La Belle Cie

When I'mgood, I'm good, but when I'm bad, I'm better

PERDRE CONNAISSANCE

Spectacle-manifeste
Folie pour 7 comédiens

Prochaines dates : du 30 octobre au 3 novembre, au théâtre du Grand-Rond, à Toulouse
De et avec : Lise Avignon, Laurence Riout, Anne Violet, Muriel Lamy, Thibault Deblache, Pascale Calvet et Amélie Gasparoto.
Direction : Didier Roux
Production : La Belle Cie

Diffusion : Fanny - 06 76 84 73 90

Aide et soutien
Théâtre Le Hangar - Mairie de Toulouse - LOH Prod
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Pour en parler : une interview et des photos
Est-ce que tu peux dire comment ça a commencé, quel est le point de départ du spectacle ?
En fait, au tout début, en point d’ancrage, il y a un exercice, un travail que j’ai souvent répété avec les acteurs et que j’appelle « Déplacements d’objets ». Aujourd’hui, j’ai le projet autour et à partir de cet exercice de décliner 5 formes-spectacles dont le premier opus est Perdre connaissance.
Et en quoi est-ce que cela consiste le « Déplacement d’objets » ?
Je propose aux acteurs une série de quelques verbes, très simples, une liste de verbes d’actions, à l’infitif : marcher, s’asseoir, se lever, déplacer (quelqu’un ou quelque chose), s’immobiliser, chuter, étreindre. Je leur demande de travailler ces verbes dans l’espace, en quelque sorte d’incarner ces verbes. La question de jeu c’est : comment devenir verbe, une pure présence confondue avec l’action.
Car c’est bien ça que met en jeu l’infinitif : il n’y a pas de sujet. C’est un mode non personnel, non temporel, en ça il est fascinant. L’action devient une sorte d’événement pur. Et c’est ça qui est beau, qui m’intéresse. Me revient cette phrase de Deleuze : « On pense trop en termes d’histoire, personnelle ou universelle. Les devenirs, c’est de la géographie, ce sont des orientations, des directions, des entrées et des sorties. » Je voudrais chercher par là.
Du coup, l’idée pour l’acteur c’est : comment avec un verbe entrer dans une intensité ? « Je ne suis pas tel homme identité qui vit ça ou ça en marchant, chutant...je suis juste un homme qui marche, tombe... ». À partir de l’énoncé, l’acteur expérimente, en solo, en duo, en trio... en choeur. D’abord il travaille avec un seul verbe, puis combine 2, 3, 4...verbes dans la même séquence.
Et c’est à partir de ce travail que le spectacle s’est conçu ? Est-ce que tu pourrais décrire ce qui se passe sur le plateau, à quoi l’on assiste ? Très concrètement, c’est une chorégraphie d’actions simples, une suite de mouvements humains fondamentaux (suite au sens musical du terme) composée par un choeur de 13 acteurs. Et dans l’écriture qui s’invente, il y a des textes qui surgissent, des paroles proférées. Il y a aussi de la musique et du silence.
D’où proviennent les textes que vous donnez à entendre ?
Des acteurs, tout vient ici des acteurs, autant la partition du plateau, que la partition textuelle. C’est une recherche en cours. Sur le langage et la notion d’écriture. C’est quoi parler, c’est quoi écrire ? On dit « les animaux communiquent, les hommes parlent ». Moi ça me tarabuste, mais pourquoi on parle...? Et non seulement on parle mais en plus on écrit. Quand est-ce que la parole revêt un statut littéraire, atteint une puissance poétique ? Quel est le lien entre langage et intimité ? Comment on donne corps à une parole intime ? Peut-on inventer une parole au présent sans avoir rien à dire, au sens pas de message à transmettre ? Donner corps et vie et voix à une langue, écrire à même la scène avec des mots, sans s’appuyer sur une situation fictive, sans personnage défini... ? On cherche, ce sont des questions que l’on se pose en actes.
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Photo - Fabien Le Prieult - Visages Vagabonds

Avec quels outils le comédien travaille ?
Au niveau des actions d’espace, il travaille avec le rythme, avec l’espace, avec sa présence nue. Il doit être au plus près de lui mais au plus loin de toute identité. Très vide afin d’être très peuplé. C’est la sensibilité, la porosité du comédien à ce qu’il fait, sa capacité à habiter une action dénuée de psychologie, une action gratuite oserais-je dire. Mais bon, je dis gratuite mais c’est pas n’importe quoi qui s’invente. Comment ça peut être gratuit mais nécessaire, là maintenant, dans le présent... ? Que ça existe, que quelque chose passe et se passe... ?
Au niveau de la production des textes, le comédien cherche non pas tant à parler mais bien plutôt à « être parlé », c’est à dire que l’endroit à partir duquel il cherche à produire une parole c’est celui où justement, il ne sait pas quoi dire, il n’a rien à communiquer, là ça commence...On est en permanence habité par des mots, des images, des pensées, des sensations, et tout ça qui fuse, qui nous traverse, c’est, dans ce spectacle, notre matière première pour produire la parole scénique. Le travail de l’acteur c’est de prélever et traduire en texte des fragments de ce langage intérieur qui nous peuple. Du coup ce qu’on creuse c’est : qu’est-ce qu’on laisse advenir de notre langage intérieur et dans le même temps comment on le parle, sous quelle forme. Il s’agit d’inventer le langage qui dira ça qui passe...et un langage c’est une syntaxe, un style, une cohérence stylistique...Dans nos répétitions, on joue avec tous ces éléments...

Ça veut dire que dans ton spectacle il n’y a pas d’histoire ?
Il n’y en a pas a priori, c’est vrai qu’on ne s’appuie sur aucune fable et qu’aucune psychologie ne sous-tend le travail. La narration peut advenir, mais elle ne fonctionne pas comme préalable. On pourrait presque dire que le personnage central est ici le rythme, c’est à dire la manière dont on organise le mouvement dans la durée.
Mais ça ne veut absolument pas dire que ça ne raconte rien. Je dirais que ça raconte, oui, mais pas d’avance. C’est un peu comme dans la vie, le sens ne préexiste pas à l’existence qui court ; il ne s’énonce pas sous la forme d’un message à déchiffrer. Mais je le redis, j’espère bien que ça raconte, et aussi j’espère que ça parlera au public.
Pourquoi tu dis, dans le texte de présentation , que ce n’est pas du tout un drame ?
Et bien, disons qu’un drame, dans la dramaturgie classique, c’est une situation, des personnages, des dialogues, une temporalité fictive, une logique narrative, ça fait appel à une idée d’intersubjectivité, de conflits de valeurs, de conflits d’identités...Nous, là, on travaille hors de ces catégories puisque ce qui se trame avant tout sur notre plateau ce sont des rapports rythmiques de corps et d’actions, on provoque des liaisons sans histoire, des surgissements de paroles, et toute la partition est portée par un choeur de figures anonymes. Notre logique de construction est en quelque sorte musicale. Peut-être on peut dire que notre vision est plus tragique que dramatique. On peut peut-être penser à ce que Lyotard appelle « un théâtre énergétique », « qui ne serait point théâtre de la signification » mais « théâtre des forces, des intensités, des pulsions dans leur présence ».
Propos recueillis par Laurence Riout, 2015
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Photo - Fabien Le Prieult - Visages Vagabonds

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Photo - Fabien Le Prieult - Visages Vagabonds

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Photo - Manon Ona

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Photo - Fabien Le Prieult - Visages Vagabonds

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Photo - Manon Ona

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Photo - Fabien Le Prieult - Visages Vagabonds

En novembre 2015, Perdre Connaissance a été crée au théâtre du Hangar dans une première version comprenant 13 comédiens.
Sans eux, sans leur présence et leur travail, ce spectacle n’existerait pas.
Je les remercie, ils ont toute mon affection. Voici leurs noms :
Lise Avignon - Laurence Riout - Pascale Calvet - Thibault Deblache - Enzo Redon - Julianna Bejaud - Cécile Brosed - Muriel Lamy - Amélie Gasparotto - Charlotte Piarulli - Clara Stauch - Anna Vanneau - Anne Violet